samedi 6 juin 2020

A la rencontre de la colère



Une de mes plus importantes prises de conscience en tant que maman est d'avoir réalisé que lorsque je ressentais de la colère et pensais qu’elle se dirigeait tout droit contre mes enfants… en vérité, je me trompais.

Je parle de la colère écumeuse, mugissante, destructrice, vous savez, celle qui soulève en soi les remous noirs et poisseux de ce que l’on refuse de voir. 

Je parle de ces fois où mes enfants ne veulent rien écouter ni l’un ni l’autre, où leurs cris font vibrer tout mon squelette, où je me sens parfois minable dans mon incapacité à les apaiser.

Je parle aussi et surtout de cette pression terrible qui pousse à incarner la mère parfaite, celle qui ne lève jamais la voix, sourit en toute circonstance et règle les tensions d’un coup de baguette magique entre deux recettes de moelleux au chocolat.

Moi j’étais là si longtemps, avec cette colère à laquelle je ne laissais aucun droit. Et mes enfants, à leur juste place, jouaient inconsciemment mais non moins parfaitement leur rôle de catalyseurs... Les petits enfants ont tous en eux un radar qu’on ne peut tromper : si en nous, quelque chose n’est pas clair, pas aligné, ils le ressentent aussitôt. Les miens réveillent mes blessures d'enfant, mettent inlassablement le doigt sur ce qui fait encore mal, sur ce qui n'est pas réparé, pointent les failles dans ma charpente intérieure. Ils sont tous les deux des miroirs de ce que je suis. Et tous deux ont un rapport à la colère radicalement volcanique. Comment pouvait-il en être autrement?

Mon aînée est une dragonne, une guerrière. Dans la spirale dynamiques -pour les adeptes- elle se situe droit dans le rouge, et elle attendait en face la même réponse en terme d'énergie, d'élan, de posture. Plus je parlais, apaisais, conciliais, pire cela devenait, car elle appelait la guerrière en moi : celle qui guide, recadre, rassure avec des limites, annonce les siennes propres.

Je ne voulais pas de cette colère, jusqu’à découvrir combien elle est utile ! Elle parle pour nous-même, milite pour l’affirmation de soi, pour notre légitimité. Ce n’est pas une mauvaise émotion. Il n’existe, de fait, pas de mauvaise émotion! La colère est là pour nous redonner les rênes. Pour nous aider à trouver notre place. Je ne dis pas que hurler à longueur de temps sur ses enfants est légitime. Je dis qu'il s'agit d'accepter pleinement les émotions, sans les juger, d'accueillir la colère de nos petits et la nôtre propre, de mettre des mots sur ce que l'on ressent.

Le jour où je me suis dit « J’ai le droit de ressentir cette colère, et c’est légitime » j’ai découvert que j’étais bien davantage qu’une façade bienveillante, et j’ai enfin accepté qu’elle se craquelle, de ne plus être « la douce et la gentille Julie ». Et ce jour là, mon fils de trois ans m'a dit : "Maman, quand tu es en colère, y a aussi de l'amour dans toi. Moi aussi ça me fait ça." J'ai pleuré de soulagement comme rarement dans ma vie.

Ensemble on utilise un outil qui est rapidement devenu indispensable dans le quotidien : la fleur des émotions. J'ai tracé sur la porte du lieu où l'on vit une grosse marguerite dont chaque pétale représente une émotion, dessinée de façon claire et concise. Dans 8 cas sur 10, le seul fait de demander à mon enfant quelle émotion il ressent, en montrant sur la fleur, puis de décrire où l'émotion se situe dans le corps, libère quasi instantanément la tension. Je la prendrai en photo pour partager avec vous, si vous êtes curieux.

Remercions nos enfants pour ce qu'ils nous apprennent sur nous-mêmes. Et remercions-nous de savoir recevoir ces leçons. Face à la colère, l'adulte que l’on est devenu a les ressources nécessaires pour la traverser et pour comprendre son message. Laissons le vernis craquer pour laisser place à plus d'authenticité. Si la colère sort, l'essentiel est d'apprendre à la diriger, pour qu'elle ne vienne pas mettre en danger qui que ce soit, puis d'en reparler lorsque l'orage est passé, afin de comprendre les tenants et les aboutissants et de reprendre sa route où on l'a laissée.


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