jeudi 6 février 2020

« Mais tu n’es pas à l’école aujourd’hui ? Elle va dire quoi la maîtresse ? »





La rentrée a eu lieu lundi dernier. Pour nous, le réveil n’a pas sonné : ce fut une rentrée à la maison, comme l’année passée.


Ce qui nous séduit dans l’instruction en famille ? Des valeurs très simples. Avant tout la liberté ! Etre à l’écoute du rythme de nos enfants. Gérer nous-mêmes tranquillement notre emploi du temps. Suivre un apprentissage totalement informel, basé sur la spontanéité et la curiosité naturelle, et ainsi découvrir qu’il est possible d’apprendre avec plaisir, de tout simplement en avoir envie.

Chose non négligeable, le papa et moi détenons le luxe d’avoir… eh bien, le temps, tout simplement. On a l’un et l’autre fait le choix d’une vie simple sans profession chronophage. Du coup ce temps libre dont nous disposons, nous pouvons l’employer pour l’apprentissage de nos lutins. Tout le monde n'a pas cette chance, nous en avons bien conscience!

Chaque petit moment du quotidien peut alors devenir une occasion d’apprendre. Chez nous, rien de formel. Tout dépend des envies. Parfois, je suggère. "Tiens et si on faisait de la lecture aujourd'hui?" Des fois c'est un oui enthousiaste, des fois c'est "ah non là j'ai plutôt envie de jouer aux dinosaures, ou d'aller faire des boutures de thym avec papa" Pas de notes. Pas d'horaires. Juste la vie.




La luciole a quatre ans et demi. Elle ne tient pas toujours bien son stylo, c'est une tornade qui ne sait pas rester assise très longtemps, parfois elle ne dit pas bonjour, elle ne connaît pas de comptines populaires, déborde en coloriant et ne découpe pas droit avec ses ciseaux. En revanche, elle sait reconnaître une quinzaine d'espèces de plantes comestibles différentes, nommer plein de dinosaures dont j'ignorais totalement l'existence (c'est son dada du moment), expliquer comment fonctionne un volcan,  différencier une planète d'une étoile d'un coup d'oeil, chanter par coeur Les ogres de Barback, couper proprement avec un couteau aiguisé. Et écrire/déchiffrer en majuscules, compter jusqu'à quinze, faire de petites additions. C'est la magie de l'apprentissage libre. Le petit lutin a un an et demi. Il grandit en totale motricité libre, c'est la première étape de l'aventure.

Je me suis toujours promis que si l'un ou l'autre de nos deux lutins réclament un jour l'école, je ne ferai pas barrage. Pour le moment, ce n'est pas l'ambiance. Il y a peu, nous sommes justement passées près d'une école avec luciole, pendant une récréation. "Oh? Mais pourquoi ils sont en cage, les enfants?" A t-elle demandé. - Pour délimiter l'espace, il y a une barrière, ai-je répondu. Ça évite aux gens extérieurs à l'école de rentrer, et aux enfants de sortir en dehors des horaires autorisés. - Ah. J'aime vraiment bien être de l'autre côté de la barrière, moi, maman. Et nous avons poursuivi notre route jusqu'à la médiathèque. Où la bibliothécaire lui a posé la question qui tient lieu de titre à cet article. (Sa réponse fut simplement : J'ai pas de maîtresse alors elle ne dira rien du tout.)

On nous répète souvent : mais il faut bien qu’ils s’adaptent! ... Nous vivons dans une société qui est à mon sens profondément malade. Comment pourrais-je un seul instant souhaiter à mes enfants de s’y adapter ? C’est précisément en cultivant leur liberté, leur autonomie, en les sortant du moule, en leur offrant une vision nouvelle, en ne les soumettant pas, que nous pouvons espérer un jour guérir ce qui peut encore l’être.

( Et puis, je fais partie des gens qui ressentent le monde actuel comme aux prémices d’un virage grand V, d’un tournant majeur, alors au final c’est peut-être plutôt la société qui finira tant bien que mal par s’adapter à eux!)



Ce qui m'effrayait un peu, dans cette aventure non sco, c'était avant tout le manque de sociabilisation. Heureusement, on  a vite noué des liens forts avec des parents d'autres enfants non scolarisés, sur un rayon de quelques kilomètres autour de chez nous. Depuis on se voit toutes les semaines pour faire des activités tous ensemble. Et on parle de fonder notre propre école libre d'ici l'an prochain!

Des fois, j'ai un peu peur. D'être débordée. De me perdre dans ce rôle de maman-éducatrice. De ne plus du tout trouver de temps pour moi. De me faire fustiger par l'inspection académique lors des contrôles à venir.

Et puis je me rappelle pourquoi on a fait ce choix. J'en vois les bienfaits au quotidien. On en discute avec les amis qui sont dans la même dynamique, et ça me rappelle que je ne suis pas seule. Et que le plus beau cadeau que je peux faire à mes lutins, c'est de respecter leur liberté.

Merci de m'avoir lue jusqu'au bout.

4 commentaires:

  1. Très beau témoignage 😊 et tu as de vraies arguments...le papa et la maman d'une amie avaient créé leurs école sur l'enseignement libre, malheureusement l'éducation nationale n'était pas en accord et l'école a du fermer...tellement dommage.
    En tout cas c'est un beau combat que vous menez pour vos enfants, ça m'a redonné fois en l'avenir ! Peut être un avenir utopique mais ça peut changer doucement les comportements et façon de penser.
    Gros bisous Julie, et le bonjour a Eli 😊 J'espère venir vous voir un jour !

    RépondreSupprimer
  2. Ben justement, moi ce qui me dérange c'est cette non sociabilisation. À l'école il y a de touuuuuut horizon (enfin, suivant l'école), et ça permet des rencontre qu'on n'aurait jamais eu en restant dans "son milieu" .

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'entends bien! Après, dans notre cas, les milieux que notre fille fréquente sont justement plutôt hétéroclites, et d'ici l'an prochain elle va commencer les activités (sport, musique) qui lui ouvriront encore d'autres portes socialement parlant. Mais le piège du non-sco est effectivement de rester dans un vase clôt.

      Supprimer
  3. "On nous répète souvent : mais il faut bien qu’ils s’adaptent! ... Nous vivons dans une société qui est à mon sens profondément malade. Comment pourrais-je un seul instant souhaiter à mes enfants de s’y adapter ? C’est précisément en cultivant leur liberté, leur autonomie, en les sortant du moule, en leur offrant une vision nouvelle, en ne les soumettant pas, que nous pouvons espérer un jour guérir ce qui peut encore l’être."

    Ce passage est pour moi criant de vérité, et je ressens exactement la même chose. Au final, c'est la pureté qu'on veut sauver, car il en manque cruellement dans ce monde, et elle parait si insignifiante : elle est pourtant le moteur du changement et de la conscience.
    J'adore ton article et il me rassure énormément.

    RépondreSupprimer