dimanche 21 février 2021

Cinq ans d’éducation « positive » plus tard…



L'éducation dite "positive", est celle qui m’a le plus appris et le plus inspirée, dans mon quotidien, si vous avez lu mes précédents billets, vous avez une vague idée de comment je fonctionne avec mes deux enfants. La luciole aura bientôt cinq ans, le lutin deux, et j’ai songé qu’établir une sorte de petit bilan sur mon ressenti général serait intéressant. D’autant qu’il règne un gros climat d’incompréhension autour de l’éducation dite positive.

En particulier ces dernières années, depuis qu’elle est fortement plébiscitée dans une multitude de revues/conférences/bouquins/blogs. On l’accuse d’encourager le laxisme, de façonner des petits führers, de proposer un modèle irréaliste car dénué de conflit, et de conduire les pères et mères au fond d’un gouffre de culpabilisation à force de ne pas réussir à atteindre un idéal de super-parent-de-fou-totalement-irréprochable. Et par-dessus le marché, il semble impossible de critiquer cette méthode éducative, puisqu’elle exhorte à apporter le meilleur à son enfant : quel bourreau cruel s’y opposerait ?

Pour moi, ce n’est pas l’éducation positive qui est incriminée, mais la façon dont elle est transmise aux parents, et interprétée... Il s’agit à mon sens d’un outil, d’une palette de suggestions placées dans un certain cadre de valeurs ; ce n’est pas une méthode qui se place en vérité absolue, ni une doctrine enfermante à retranscrire à la lettre avec un excès de zèle coûteux pour tous. 

Elle n’est pas non plus une formule magique miracle, ni la promesse d’une vie lisse et sans conflits, ni une volonté d’abolition de tout cadre ou de toute limite, comme on le croit souvent à tort. 

Elle est simplement la juste réponse à un âgisme tristement ordinaire, à la voie classique du « tais toi, c’est comme ça et pas autrement », à un modèle éducatif fossile qui réprime les émotions et instaure un rapport de force permanent, et dont les générations précédentes (y compris la nôtre) ont souvent fait les frais. Elle touche aux bases d’un nouveau et vaste projet humain, sociétal. 

Bon, ça n’a pas été facile. Et ça ne l’est toujours pas. (D’autant que notre aînée présente toutes les caractéristiques d’une enfant dite « précoce » avec troubles de l’attention et hyperactivité, olé olééé) J’aurais aimé qu’on me dise « courage, tu vas en suer des gouttes, mais ça en vaut la peine. » Chez nous ça flambe, il y a des hauts, des bas, du découragement, de la joie en barre, des collisions et des réconciliations, c’est la vie qui bouillonne. Le but de cette démarche éducative, finalement, ce n’est pas d’abolir les conflits ou les émotions jugées pénibles : impossible ! Mais de les traverser ensemble, avec des outils en main pour rendre la navigation moins périlleuse.



On me demande des fois des astuces, ça me fait marrer parce que je me sens plus ou moins autant dépassée que tout le monde. Juste… disons que… je relativise, je lâche prise en réalisant que je me crispe sur tel ou tel petit principe sans raison valable, je transforme en jeu ce qui est en voie de tourner à l’affrontement ou au conflit d’autorité (« allez hop, équipe contre le chrono pour ranger cette chambre ! »), je verbalise les émotions pour l’enfant (« là tu ressens ceci ou cela, …), j’évite les récompenses et bannis les punitions (mais pas les sanctions = rappel des règles, exemple : l’enfant nettoie ce qu’il a renversé) mais encore une fois ce sont quelques pistes à explorer et ça ne marche pas toujours, ça dépend de tellement de facteurs. 

On me dit à juste titre : oui mais zut, là ce soir, j’ai pas la force, ça me saoule, la journée a été dure, et là il faudrait encore que je me mette à hauteur d’enfant et que j’improvise je ne sais quelle pirouette-cacahuète pour désamorcer, qu’il veuille bien arrêter ses clowneries et aller se brosser les dents ?! 

J’ai envie de dire… Oui. J’entends très bien. Et si quelqu’un prétend connaître un moyen miraculeux de coucher vos trois chérubins, brossage de dents et pyjama inclus, le tout sous une pluie de fleurs et sans jamais un mot plus haut que l’autre… Ben… Y a arnaque ;)  Eduquer, c’est comme une danse, ça peut être fluide, ou ne pas l’être, la connexion est à chercher. Et des fois, on n’a pas l’énergie, pas envie, ça fait partie de la vie. Et ne fait pas de nous de mauvais parents, juste des humains. On grandit avec nos enfants.

J’insiste beaucoup et souvent sur l’importance d’être aligné avec ses propres émotions, et c’est un cheval de bataille personnel. La bienveillance de façade fait, je crois, bien plus de ravages par exemple qu’une bonne colère bien sentie, évidemment dans le cas où elle est suivie d’explications d’humain à humain, et d’un pardon sincère pour réparer la relation et repartir sur des bases saines. « J’ai ressenti de la colère, pour telle et telle raison, est-ce que tu as eu peur, je te demande pardon car ce n’était pas le but… » Je ne dis pas de casser des meubles dès qu’un truc vous met de travers. Mais les enfants ont fort besoin d’une chose : que nous soyons alignés, authentiques, c’est ça qui les rassure, plus qu’une pseudo bienveillance souriante de circonstance recommandée dans FamilleParfaiteMagazine. Vous avez le droit d’être fatigué, triste, préoccupé, d’en avoir marre : seulement, les enfants ont besoin de l’entendre de votre bouche et de le savoir. En opposition à ce que les générations passées ont subi, je ne veux pas apprendre à mes enfants à rentrer leurs émotions, à s’en cacher, de toute évidence avec les miens c’était perdu d’avance ! « Quand vos enfants semblent vous chercher, c’est finalement pour vous aider à vous trouver. » : vous connaissez ? A mes débuts, j’en ai fait les frais, oui moi aussi j’ai cru que sourire tout le temps ça marcherait, et attendu de l’éducation positive qu’elle fasse de notre quotidien un paisible sentier de bienveillance dégoulinant de barbapapa au miel. Mais à force, ça créé l’indigestion, vous ne croyez pas ? 

Accueillir l’enfant inconditionnellement ne nous interdit pas de ressentir, ni d’être qui nous sommes. On lit souvent « ne pleurez jamais devant votre enfant, il va culpabiliser, ou bien prendre peur de vous voir faillible ! » Ben justement. Il est en droit de savoir que nous ne sommes pas des supers héros. Et il y a une juste mesure entre le fait de criser en accusant l’enfant « tu es impossible, j’en ai marre de toi » et de s’autoriser à verser des larmes quand on est à bouts. S’il est en âge de comprendre, prendre le temps de parler à cœur ouvert : « Je pleure pour telle raison, quand il s’est passé ceci j’ai ressenti cela, etc etc » en rassurant l’enfant sur l’Amour qu’on a pour lui. La première fois que ça m’est arrivé sans me cacher, petite luciole m’a dit à l’oreille « T’en fais pas maman, tu as le droit d’être fatiguée. » Elle avait trois ans !

Bon je partais pour un banal bilan et je me retrouve à écrire un plaidoyer!

Mais bref. Ces cinq années ont été sujettes à des ajustements permanents. Il y a tant de facteurs à prendre en compte. Dans le cas de la luciole, ça a été un peu particulier car nous vivions en collectivité : elle a dû en prime apprendre à s’adapter au caractère, aux limites, au passif, de chaque individu présent. Et nous, apprendre à communiquer clairement et à resserrer le cadre des règles : au début on avait du mal à être calés avec les autres. Si on disait non à quelque chose, par exemple, luciole savait pertinemment que dans la multitude de tontons/tatas punks qui gravitaient autour d’elle, il y en aurait systématiquement un-e- pour lui dire oui. Quant à l’emploi du temps, s’il était riche de mille découvertes, expériences nouvelles et peu banales, rencontres diverses des quatre coins du monde, il était aussi décousu et pas forcément toujours sécurisant. Le cadre manquait de clarté et de rythme, ça a été dur de fixer des limites plus fermes par la suite, de battre un rappel aux règles : luciole avait trois ans et était d’une insubordination digne d’un leader anarchiste. Ce qui a le mieux marché, outre l’instauration d’un emploi du temps calé (et affiché au-dessus de son bureau), c’était d’expliquer systématiquement le pourquoi de telle et telle règle pour lui apprendre à composer avec, à en comprendre le sens, et pas à les prendre comme des entraves placées arbitrairement par des parents purement sadiques. On en a traversé, des tempêtes. Il y en aura d'autres.

Voilà ce que j'aurais envie de dire aujourd'hui sur ma petite expérience. En vrai, il y aurait encore beaucoup à raconter, mais... ça va justement être l'heure du brossage de dents... ;)


P.S : Photographies prises par mes soins.

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